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ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES et RECONSTRUCTION DU MINEUR EXILÉ

Samedi 23 mai 2020

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ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES

&

RECONSTRUCTION DU MINEUR ISOLÉ EXILÉ

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TÉMOIGNAGES DE TERRAIN

ET ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION

 

                        INCLUSION

        RÉUSSITE

 

AUTONOMIE

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Commission des activités physiques et sportives du Temps Partagé

14 avril 2020

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SOMMAIRE

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              Préambule

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              1. Repères

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              2. Bienfaits

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              3. Le vélo

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              4. Un enseignement du vélo et une programmation appropriés

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              5. Rencontres

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              6. Observé, partagé

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              7. Autonomie

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              8. Préparation

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              9. Réalités

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            10. Éclatantes victoires

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            11. Harmonie

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            12. Dynamiques

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PRÉAMBULE

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Après la sidération et la recherche de solutions, nos existences se voient remaniées dans une vie quotidienne bouleversée par ce confinement au long cours, justifié par le combat contre la propagation du coronavirus.

Confinement à risques de par la limitation de l'espace, du mouvement et des activités habituelles, la promiscuité forcée, la solitude non désirée, le surmenage des parents aux responsabilités multiples, les stress liés à l’épidémie et à l’emploi, les interrogations quant au jour d'après, l'anxiété d'un questionnement extraordinairement réactualisé concernant l'avenir humain, sanitaire et écologique de la planète, ou encore l’emprise potentielle des écrans, du grignotage, des boissons ou de la fumée.

Confinement où cependant nos perceptions, nos conceptions et nos pratiques sont quotidiennement appelées, dans de nombreux domaines, à s’ouvrir et à évoluer très positivement.

En termes de solidarité et d’humanité, sont fortement sollicitées nos capacités individuelles et collectives d’adaptation, de vigilance, de réflexion, d’invention et d’initiative, à l’échelle de l’appartement, du quartier ou des bons réseaux. Nous pensons aux soignant.e.s à bout de forces, ou aux casse-tête des enseignants. Nous pensons à toutes les personnes qui manquent de moyens ou d’énergie pour faire face. En particulier aux personnes qui déjà connaissaient la maladie, la précarité, le désœuvrement, la discrimination, l’exclusion, l’isolement ou l’oubli.

Concernant les mineurs exilés, il fut long et compliqué, vu la variété de leurs situations, de contacter tous les jeunes inscrits aux activités, surtout lorsqu’ils sont démunis d'ordinateur et de téléphone. Si dans l'ensemble ils ont bien compris les nécessités rationnelles du confinement, si tous manifestent même leur reconnaissance quand on leur donne un peu de temps pour prendre de leurs nouvelles et échanger avec eux, on les sent profondément affectés et réellement désemparés, voire anéantis, d'avoir été si brutalement privés des contacts, des repères et des activités qui leur étaient devenus familiers.

L’action du Temps Partagé tente de s’adapter, contrainte par le contexte de la crise et les nouvelles obligations personnelles. Les équations à résoudre comportent beaucoup d’inconnues. Les besoins et les idées ne manquent pas, même si l’orchestration, les bras et les outils pour les mettre en œuvre subissent encore le choc et les restrictions d’un moment étrange et inédit, avec les dangers des difficultés conjoncturelles de communication, et de possibles malentendus. Mais le cœur de l’association continue de battre, chacun.e travaillant plus souvent dans l'ombre, apportant sa pierre, toujours précieuse, aussi petite soit-elle. Et Le Temps Partagé s’organise, notamment pour proposer du soutien scolaire aux jeunes, aider les personnes qui les hébergent dans des conditions rendues encore plus difficiles – et préparer l’avenir de façon concertée et coordonnée, autant que possible.

On n’estime jamais autant la valeur des plus belles choses, peut-être, que lorsqu’on en est privé. La nécessité du confinement met cruellement en évidence, aujourd’hui, la dimension vitale du grand air et du rapport aux autres, à l’environnement, aux activités, à la mobilité et à la liberté elle-même. On rêve ainsi de dégourdir ses muscles et ses jambes dans leurs espaces naturels. En attendant le déconfinement, l’amour d’une liberté à ce point remise en cause, dehors, peut contribuer, dedans, à nous affranchir de néfastes artifices et nous permettre de retrouver, à la place, un peu de temps pour d'excellentes choses, comme par exemple la guitare, les haltères, les parties d'échecs, la méditation ou bien – la lecture !

Mais le souvenir de cette période risque de se montrer très insuffisant pour faire perdurer à lui seul en des jours peut-être un peu moins compliqués toutes les prises de conscience et les intentions qui venaient de surgir, et pour alimenter à lui seul la motivation requise par la traduction, la vie et l’essor à long terme des idées, des dispositions, des capacités et de tous les projets naissants, même les plus désirés.

En l'occurrence, dans les mois qui précédaient l’arrivée du coronavirus, nous avons été témoins, essentiellement au motif des priorités du quotidien, et en raison d'un manque non dissimulé de conviction, d’une chute très préoccupante des inscriptions des jeunes aux activités physiques et sportives proposées (APS) – comme de celles des bénévoles à leur accompagnement et leur covoiturage. Sans parler du repli sur soi et du confinement volontaire ...

Or à ce jour les jeunes que nous réussissons à contacter clament unanimement la frustration physique et sociale si déchirante causée par les obligations du confinement, dont ils risquent d'ailleurs de souffrir assez longtemps des conséquences. Certains avouant leurs plus vifs regrets de ne pas s'être inscrits aux APS quand ils l'auraient pu.

Mais, sans des repères et des objectifs argumentés bien compris et partagés, sans une dynamique respectueuse, concertée et bienveillante, sans un engagement continu, sans la persuasion et les encouragements très patients et très persévérants, auprès des jeunes, de la part de tous les bénévoles concernés et de celles et ceux qui les hébergent, sans une communication et des outils améliorés, la reprise progressive des activités connaîtra-t-elle le retour durable, le moment venu, des inscriptions de plus nombreux jeunes aux APS proposées par le Temps Partagé ?

Dans ces jours difficiles, chacune et chacun peut pourtant se rappeler que c’est précisément au plus profond et au plus sombre de l’adversité la plus terrifiante que les composantes du Conseil National de la Résistance ont bel et bien imaginé les grands principes de la Sécurité Sociale, après avoir réalisé que, pour résister victorieusement à l'occupant nazi et inventer puis garantir la suite, il valait mieux réussir le plus tôt possible, en dépassant division, rivalités et postures diverses, à s’accepter, à s’écouter, à se compléter et à orchestrer les contributions des uns et des autres. Sécurité Sociale que le même CNR a été ainsi capable, dès la Libération, de programmer et de mettre aussitôt et pour longtemps sur les rails – voici presque trois quarts de siècle.

La nécessité du moment et l’importance vitale et émancipatrice des buts à atteindre restent toujours, sans doute, et toutes proportions gardées, les deux principaux moteurs de l’actualité d’une réflexion essentielle et de l’élaboration partagée et incomparablement plus robuste d’un projet socialement utile. Et si, parole de grande résistante, « résister se conjugue aussi au présent », s'interroger, se documenter, se renseigner, s'écouter, se concerter, se respecter, s'organiser, se coordonner et se préparer sans faire d'impasse, très certainement aussi !

Dans le contexte actuel, la commission des APS souhaite simplement et humblement, à sa place et dans son domaine, en synergie avec les objectifs et les actes du Temps Partagé, concrètement contribuer au fait de se projeter collectivement, dès à présent, dans la période post-confinement, en vue de la relance et de l’essor durable d'une action globale, concertée, avisée, adaptée, réaliste, cohérente et efficace, en faveur des jeunes.

Ceci, en décrivant notamment à la lectrice ou au lecteur « les choses positives qui arrivent grâce aux actions bénévoles », pour lui donner « l'envie de nous soutenir ou de nous rejoindre » ! En visant en tout cas à susciter l’intérêt et la motivation du plus grand nombre de concitoyen.ne.s, à commencer par les adhérent.e.s, les familles d’accueil, les bénévoles et les sympathisant.e.s.

En particulier avec l’exposé contextualisé, détaillé et illustré des vertus majeures, vérifiables et mesurables, en termes de reconstruction, d’inclusion, d’autonomie et de réussite du mineur isolé, de la pratique régulière d’APS diversifiées et complémentaires, gratuitement accessibles pour lui.

Récemment mises à jour, les lignes qui suivent, où se croisent constats, réflexions, témoignages et récits (paragraphes de couleur rouge ou verte), résultent de la rencontre d’une centaine de jeunes depuis début 2018, et du suivi sur le terrain d’une cinquantaine d’entre eux : écoute, aide, organisation, conduite d’activités, covoiturage, accompagnement et observation, principalement au cours des APS.

L'incursion un peu dense et parfois décoiffante qui attend ici la lectrice ou le lecteur demande toute son indulgence, et peut-être deux ou trois dizaines de ses minutes. Merci. La finalité est, en la circonstance, de se projeter à la sortie de crise de façon concrète, objective, réaliste, ressourcée, motivée et, si possible, motivante.

Le Droit, l'avenir et l'intérêt du jeune exilé, la connaissance des données et des enjeux, la lucidité à l’égard des résistances, des incompréhensions et des obstacles rencontrés, l'air du terrain, la vie des idées, l'architecture et la dynamique des projets, le bourgeonnement communicatif des envies solidaires, comme les toniques perspectives oxygénées découvertes à la présente fenêtre, ne peuvent être ni comprimés, ni confinés.

Très bonne et sportive lecture !

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1. REPÈRES

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Pertinence des propositions présentées au Temps Partagé par les clubs, les associations et les spécialistes qui s'intéressent à la situation de ces jeunes gens. Adéquation minutieuse des projets sportifs issus du travail de concertation réalisé avec ces partenaires. Poursuite des efforts internes de communication et d’organisation. Implication indispensable des bénévoles et des familles d’accueil. Approfondissement, communication et partage de la réflexion sur le statut, la place et le rôle majeur d'un exercice physique et sportif équilibré au cœur de la prise en charge globale du mineur isolé exilé s’agissant de sa reconstruction et de son autonomie.

La convergence et la compréhension de ces éléments constitutifs essentiels conditionnent la cohérence, la qualité et l'efficacité de la palette sportive qui s’offre au jeune exilé et l’invite gratuitement à la pratique régulière d’activités physiques diversifiées, complémentaires et inclusives.

Dispositif ajusté à la situation et à la psychologie du mineur isolé exilé, suffisamment performant pour l'aider à s'ouvrir au monde, à se reconstruire, à affronter et surmonter ses peurs, à devenir autonome, à mieux utiliser et faire valoir sa personnalité, ses compétences, ses connaissances et ses droits, à prouver tout son potentiel. À trouver et faire reconnaître toute sa place au sein de la société.

Sur le plan strictement sportif, l’éventail de ces activités lui permet aussi de découvrir avec beaucoup de satisfactions une grande variété de pratiques, de disciplines et de structures totalement inconnues parfois, avant d'arrêter ses propres choix ou de se spécialiser s'il le souhaite.

Pour le mineur isolé exilé, davantage que pour d'autres adolescents, on ne devrait pas à la légère considérer le sport comme un simple passe-temps récréatif, tout à coup plus intéressant pendant les vacances, cultivant par ailleurs trop souvent l’entre-soi, plutôt que les vraies mixités inclusives. Ni même comme un instrument ordinaire de récompense de la bonne volonté du jeune lorsqu’en d’autres domaines on ne sait pas le motiver autrement qu’avec son sport favori. Très inconsciemment, ce serait prendre le risque dévastateur de conférer à la pratique sportive la fonction réductrice et paradoxale d'échappatoire du quotidien, de maquillage des réalités, voire de sympathique mais terriblement efficace assommoir. Fonction machiavéliquement utilisée dans l'histoire du XXème siècle.

Au contraire, se dégager de l'arbitraire du passé et affronter les insupportables arbitraires du présent requièrent impérieusement, chez le jeune exilé, solides repères et très grande lucidité.

Au milieu des priorités que représentent son hébergement, sa santé, la défense de son droit, son état civil, sa maîtrise de la langue, son accès aux connaissances et à la culture, sa scolarisation et sa formation, des activités physiques et sportives (APS) très précisément appropriées à sa réanimation et à sa reconstruction – au cœur desquelles le mineur isolé se sent totalement compris – restent donc absolument vitales pour lui.

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2. BIENFAITS

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Essentielles, justement, pour s'extraire d’une torpeur depuis trop longtemps installée, ouvrir les yeux, se redresser, se réveiller, mobiliser chacune de ses facultés personnelles, répondre à l'aide citoyenne mobilisée autour de soi, la mettre pleinement à profit, se prendre soi-même en charge et transformer l'essai en devenant totalement acteur de sa propre reconstruction, de sa propre défense, de son inclusion et de son avenir.

Dans le contexte paralysant et très angoissant des adversités et des incertitudes qui succèdent au traumatisant parcours de ce jeune et pèsent autant sur lui, de telles activités, en effet, le stimulent totalement et lui redonnent assez rapidement le sourire, l’appétit, le sommeil, la parole, le goût de vivre, l’envie de bouger, de chanter, de grandir, de découvrir, de rencontrer, d'apprendre et de se projeter.

Au-delà de leurs vertus physiques et mentales les mieux connues, elles l'ouvrent et l’intéressent à son environnement et à autrui. Elles le rendent aussi dès à présent beaucoup plus autonome et bien mieux équipé pour la vie.

En même temps que la technique, l’anticipation, la coordination, la vigilance, la constance ou la persévérance, la pratique sportive organise et lui apprend les rencontres, l'opposition, la confrontation, l'adversité, l'imprévu, l'inconfort, la déstabilisation, l'échec, le rebond, la recherche et la construction, parfois éclair, des meilleures stratégies de défense, d'attaque et de réussite, l'audace, le risque, la rigueur, l'effort, l'endurance, la résistance, l'accélération, la vélocité, l’explosivité, la combativité, l'analyse, la rationalité, l’évaluation, l’adaptabilité, l’humilité, l'inventivité, la détermination, la décision, le contrôle, la maîtrise de soi, la gestion du temps, l'intelligence du jeu, l'intelligence et la force collectives, la protection, le soutien, la récupération, l'esprit d’équipe, le sens du devoir et la solidarité. Entre autres.

Nous nous trouvons là précisément aux antipodes et de la séduction et de la fonction et des effets du loisir habituel. Dont la représentation doit être clairement distinguée, et la pratique coordonnée, de façon responsable, autant que possible.

Formidables occasions en effet pour le jeune de se sentir exister, de se mesurer, de se repérer, de prendre conscience et connaissance de ressources personnelles, relationnelles et sociales, et de capacités considérables, qu'il ignorait, de les développer, de s'affirmer, de prendre assurance, de grandir, de s’investir, de se libérer et de se voir, au sein du collectif, reconnu et respecté à parité.

De façon ludique ou laborieuse, mais toujours libres, humaines, respectueuses, représentatives, parfaitement comprises, les APS proposées au jeune lui font tout à la fois découvrir, pratiquer, s’approprier, justifier, argumenter – physiquement, mentalement, intellectuellement – les mixités, l'égalité, le respect, la réciprocité, la civilité, les codes, les règles, ses droits et ses devoirs. Et lui donnent l'immense envie de démontrer tous les apports dont il est lui-même capable, l'envie énergique et éclairée de produire, en se distinguant, sa meilleure contribution à la réussite du projet collectif, comme à la société qui l’accueille.

En développant les interactions sociales, des APS ainsi organisées entraînent une plus grande visibilité publique et un regard beaucoup mieux avisé de la citoyenne ou du citoyen sur la personne et la situation réelle du mineur isolé.

Ces activités le réaniment, le réhumanisent, le reconstruisent et le structurent, comme le soulignent les spécialistes de la santé mentale eux-mêmes. Elles rendent le mineur isolé exilé plus fort, plus vertical, plus vivant, plus présent, plus reconnu, plus concerné, plus confiant, plus libre, plus ouvert, plus social, plus moteur, plus déterminé, plus investi, plus avisé, plus inventif, plus curieux, plus respectueux, plus attentif, plus réfléchi et beaucoup plus lucide.

Elles lui apprennent aussi – avec beaucoup de sens – les valeurs de l’engagement, de la responsabilité, de la ponctualité, de l'assiduité, de la concentration, de la précision, et de l'organisation personnelle, matérielle et temporelle.

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3. LE VÉLO 

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Riches, complémentaires et adaptées, onze activités physiques et sportives, ou assimilées, sont à ce jour gratuitement accessibles, de façon continue, saisonnière ou ponctuelle, organisées autant que possible en dehors des heures de cours, conduites par des personnes expertes et passionnées.

Arts du cirque, Ateliers d’expression rythmique, Badminton, Capoeira Angola, Cyclisme, Danse africaine et contemporaine, Gestes de premiers secours, Marches découverte, Natation, Pirogue polynésienne, Volley-ball. Et peut-être Basket, Kitesurf et d'autres sports très bientôt.

Au sein de cet éventail le cyclisme tient une place privilégiée, et ceci ne provient pas seulement du fait qu’il fut, au Temps Partagé, la première APS adaptée proposée aux jeunes.

L’apprentissage du vélo dans toutes ses dimensions – éducative, pédagogique, technologique, écologique, civique, sociale, utilitaire, ludique, esthétique, physique, sportive, hygiénique, thérapeutique, citadine, champêtre, exploratrice, etc. – constitue en effet une solide et passionnante clé de voûte en termes de reconstruction post-traumatique, d'inclusion, d'autonomie et même de réussite scolaire et sociale du jeune exilé – de par le nombre et la richesse des savoirs, des savoir-faire et particulièrement des savoir-être à l'acquisition desquels il contribue éminemment, en lien étroit avec les activités et les formations dont le jeune bénéficie par ailleurs.

Les horizons si captivants auxquels l'utilisation du vélo lui permet d'accéder, par exemple, ou les enjeux écologiques si criants qu'elle place ainsi sous ses yeux, contribuent intrinsèquement à la poursuite impatiente de ces acquisitions, formant un utilisateur toujours plus curieux, plus attentif, plus concerné, plus acteur et plus responsable.

Apprentissage vélo et sorties cyclistes qui, grâce au très solide et fidèle soutien, humain, matériel et logistique, de l'association partenaire Kernavélo https://kernavelo.org/, bénéficient plutôt princièrement aux mineurs isolés depuis début 2018 !

La Petite Reine, meilleure amplificatrice de la seule force humaine en matière de déplacement terrestre, est un véhicule simplifié très plaisant à piloter, léger, agile, élégant, vertueux, discret, familier, comparativement peu encombrant, facile à ranger, facile à entretenir, propre, totalement silencieux, non polluant, très polyvalent, adaptable et pouvant accéder à tous les terrains, accessible au plus grand nombre et à tous les âges, offrant de plus au guidon le meilleur des champs visuels ainsi qu'une totale perception de la grande diversité des bruits, des chants et des senteurs de la nature.

Un démocratique et très modeste véhicule au service de tou.te.s et, plus que jamais, au service de l'intérêt général. Parfaitement et tranquillement capable, avec courtoisie et panache, de défier et de détrôner à la loyale l'automobile en ville, et sans doute bien au-delà, en vertu de l'étendue de ses arguments imparables et de ses bienfaits inouïs.

Un moyen de déplacement incomparablement bon pour la santé, bon pour le mental, bon pour le budget, bon pour l'air respiré, bon pour la planète, bon pour la cité, à la fois gratifiant et très moderne. Restituant aux citadin.e.s leur espace, assainissant leur ciel, réveillant des myriades de gazouillis.

Un instrument insoupçonné d'émancipation, de liberté, d'évasion, d'indépendance, d’autonomie, de confiance, de plaisir, de jeu, d'expérimentation, de prolongement de soi, d’expression, d'accomplissement, de rencontres, de rassemblement, de partage, d'amélioration de la condition physique, de sport, de compétition, de randonnée, de voyage, d'expédition, d'exploration, de découverte, d'acquisition de connaissances.

Et de rapprochement avec la nature, d'appropriation privilégiée, et souvent partagée, des paysages sublimes de la région, de son incroyable littoral, de ses vallées, de ses cours d'eau, de ses collines, de ses points culminants, de ses merveilleux et inlassables jeux de lumière, de ses couleurs, de ses panoramas, de ses landes, de son oxygène, de ses vents, de ses forêts, de ses bocages, de sa faune, de sa flore, de ses fleurs, de ses insectes, de ses villages et de son patrimoine, même le plus reculé, voire oublié.

Abandonnant ainsi plus d'une fois, dans les secteurs où cela est autorisé, pistes cyclables, petites routes et voies vertes. Pour emprunter hardiment d'étroits sentiers, franchir à gué un ruisseau, dévaler ce petit escalier incontournable et s'aventurer sur une sente s'éclipsant sous les bruyères – sa conductrice ou son conducteur oubliant la selle, presque toujours droit.e et souple sur les pédales, en échange d'un gain très appréciable d'aisance et de plaisir de pilotage, de hauteur du regard, de sécurité, et de tant de bonheurs environnementaux beaucoup mieux savourés ainsi. Ou bien pour consentir à se laisser porter sur l'épaule de sa ou de son pilote en train d'enjamber les enchevêtrements d'un vieil arbre vaincu par la tempête ou d'escalader un dédale rocheux proscrivant tout roulage. Ou encore pour souffler quelques minutes sur la mousse d'un talus, tandis que les mains jusqu'ici cramponnées au guidon s'éloignent avec l'appareil photo.

Au quotidien, dans une version plus civilisée, la bicyclette, qui peut s'équiper d'un siège pour passager enfant, de sacoches et de bons rétroviseurs, se révèle très fréquemment l’accès à la fois le plus économique, le plus aisé, le plus court, le plus rapide, le plus agréable, le plus paisible, le plus écologique, le plus responsable et le plus citoyen aux adresses d'amis, de formation, de travail, de culture, de sports, de commerces, etc. – porte à porte, ou presque. Profitant au besoin de la fée électricité pour adoucir le relief de la capitale de la Cornouaille et limiter la sudation. Le cycliste restant logiquement et plus confortablement assis, la plupart du temps.

Entre deux cités, même éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres, elle peut aussi remplacer la voiture assez régulièrement, avec les avantages sans comparaison des bienfaits des raccourcis et des itinéraires verts, et des bénéfices inestimables et à long terme d'un tel exercice physique pour la santé et le mental. Et tout ceci pour une différence de temps bien relative, parfois insignifiante, douches comprises.

L'apprentissage du vélo est celui de la vigilance, de la concentration, de l’anticipation, et du contrôle de soi. Celui de l'harmonie avec l’engin et celui de sa maîtrise. Celui du freinage, de l'évitement, de la trajectoire et de la recherche permanente du contact le plus sûr de 4 ou 5 cm2 de caoutchouc avec des sols de composition et d'adhérence très diverses, parfois brusquement et totalement différentes. Celui des lois de la physique et de l’équilibre, du pilotage et de chacune de ses habiletés. Celui de la synchronisation des freins avant et arrière et de l'intelligence des braquets. Celui de l’utilisation appropriée et optimale des commandes de sécurité et de transmission. Toutes choses préalables, indispensables pour doter effectivement le cycliste, le moment venu, sur ses trajets quotidiens, de maîtrise, d'aisance et des meilleurs réflexes d'urgence, de sécurité ou de prévention au cœur de la circulation urbaine.

Cet apprentissage est aussi celui de l'utilité inimaginable de multiples réglages inconnus et du choix le plus judicieux et le plus précis pour chacun d'eux en termes de fonctionnement, de silence et de douceur mécaniques, de facilitation des commandes, de réactivité, de précision et d'efficacité des systèmes, de réponse aux plus subtiles injonctions de sa ou de son pilote, d'aisance d'utilisation, de fiabilité, de sécurité, de confort, d'ergonomie, d'aérodynamisme, de puissance, de rendement, d'efficacité et d'économie de l'effort et de l'énergie. Celui d'une technologie explicite, et d'un état de fonctionnement qui peut être facilement évalué à la fois par la vue, l'ouïe, le ressenti corporel et les informations tactiles. Celui de la sécurité active et de la sécurité passive. Celui des équipements – ceux du cycliste et ceux du cycle. Celui d'une plus libre indépendance et d'une plus grande autonomie, pour chacun.e, concernant l'appropriation, les contrôles et l'entretien de son propre véhicule.

Sans oublier la maîtrise facilitée, pour le jeune, d'un lexique nouveau et souvent très imagé, comme les haubans ou la potence, par exemple, et de nouvelles unités de mesure, originales ou amusantes, comme le pouce, pour la jante, ou le bar, pour la pression des pneus. Ou encore le recours mental, plutôt ludique et très naturellement sollicité et familiarisé par la pratique, à de passionnantes proportionnalités et de corollaires règles de trois qui s'ignorent, à propos de plateaux, de pignons, de dents, de braquets, de développement, de distance, de temps, de vitesse, de moyennes, de pourcentages, d'angles, d'échelles, etc. Ou même la découverte du nombre π. 

L'apprentissage du vélo est aussi, bien entendu, celui du code de la route dès le plus jeune âge, du partage civilisé, codifié et intelligent de l'espace public, de la co-circulation et de la conduite urbaine, celui de la lecture et de l'écoute permanentes d'informations simultanées, multiples et multidirectionnelles, de leur analyse instantanée et des décisions promptes et adéquates, celui des bonnes habitudes d'anticipation, celui du respect en situation des règles du code, du respect des autres usagers, de leur droits et de leur droit à l'erreur, celui du civisme, des civilités et de la courtoisie, ou encore celui de la connaissance et du respect en actes de la nature et de l'environnement.

Et parfois celui des occasions, facilitées pour le cycliste, d'entraide spontanée et de solidarité en action dans l'espace public, tant appréciées. Ou d'initiatives de prévention et de sécurité auprès de ses semblables, et quelquefois même de mise en application des gestes de premiers secours, auxquels on s'était entraîné en salle, après sécurisation du secteur de l'accident, protection de l'accidenté et le fait d'avoir rapidement et correctement alerté les secours.

Le vélo apprend la ville, la campagne, la nature, la lecture des plans et des cartes, l’orientation et tous les défis géographiques et topographiques. La multiplication préparée, progressive et raisonnée des sorties, des kilomètres et des bosses, et tout le plaisir procuré, ne chasse pas que l'ennui. Elle donne de la confiance. Elle éradique à vie la peur de la pluie, la terreur de la montée, l'effroi du pourcentage.

Surtout, elle anéantit cette montagne infranchissable, si massive et si pesante, de préjugés, d'habitudes et de doutes extravagants, liés à l'histoire individuelle, qu'on laisse nous dominer et dans lesquels on s'emprisonne soi-même ! Et qui, de façon insensée, poussent à dénigrer a priori tout potentiel personnel, cette capacité de chaque cycliste à progresser à son rythme. En inventant mille excuses au refus du vélo. En faisant tourner les yeux beaucoup plus facilement vers les écrans, le canapé, les gourmandises, la pharmacopée ou le véhicule à moteur, par exemple, que vers le guidon du vélo, même par beau temps, même en vacances. Pourtant, plus on pratique le vélo, plus pédaler devient évident et facile ! Et inversement. Un peu comme pour la lecture, ou le piano.

En utilisation sportive, d'ailleurs, et même en compétition, les muscles, la préparation et la forme, bien qu'absolument nécessaires, ne représentent qu'une part minoritaire des facteurs de performance. Pour garantir les progrès de quiconque sans exception, une pratique régulière, l'expérience accumulée, la connaissance de soi, la connaissance de son engin, la connaissance des terrains et des règles, l'humilité, la rationalité, la tranquillité, la confiance, le plaisir, la positivité, le mental, et une petite place pour le rêve, demeurent dans tous les cas les éléments fondamentaux. Y compris en course, bien davantage qu'il n'y paraît et infiniment mieux qu'avec les perfides produits, pour faire la différence sur la distance, sur une boucle VTT, dans une ascension, dans une descente à lacets, au cours d'un sprint, sur la ligne d'arrivée, ou sur la piste.

Avec la joie des petites victoires sur soi-même qui restent à la portée de chaque cycliste jeune ou moins jeune, des crêtes inoubliables ainsi conquises, et des plus beaux fiefs rendus de la sorte accessibles, la Petite Reine octroie donc à toute personne qui tourne fidèlement le pédalier – outre un affranchissement des énergies fossiles, une authentique indépendance, une plus libre autonomie, des services, des satisfactions, du plaisir, des attitudes, des savoir-faire et des connaissances – l’estime de soi, le dépassement de soi, l'expérience, l'assurance, la volonté, la maîtrise des préparations physique, mentale et matérielle, la découverte de la physiologie et de la nutrition, l'endurance, la condition physique, la santé et le bien-être.

Géniales, généreuses, multiples, concrètes et très réalistes opportunités pour ces jeunes gens ! Et pas seulement pour eux !

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4. UN ENSEIGNEMENT DU VÉLO ET UNE PROGRAMMATION APPROPRIÉ

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Un trimestre de formation, animé par des bénévoles formés ou intéressés, leur est proposé tous les samedis et dimanches après-midi au printemps (en temps ordinaire), en salle de classe, en espace extérieur protégé, puis en ville, sur route et en pleine nature. Par groupes de 5 jeunes par séance, puis de 10 et de 25 (hors règles anti-covid19), accompagnés, en fonction des séances, de 1 à 12 adultes cadres. Avec, comme objectifs premiers pour le jeune, la maîtrise de l’engin, une conduite responsable, et son autonomie de mobilité.

Une approche du cyclisme globale et ouverte qui ne considère pas le vélo comme une fin en soi. Mais comme un polyvalent et formidable moyen, au-delà du seul fait de se déplacer d'un point à un autre, d'exister, de prendre confiance, de s'affirmer, de s'ouvrir, de se repérer, de s'autonomiser, d'explorer, de rencontrer, de découvrir, d'apprendre, de connaître et de s'épanouir. L'apprentissage du vélo s'appuyant précisément sur le plaisir et l'intérêt de tels buts supérieurs à la fois pour donner du sens aux sorties, motiver ces jeunes, et pour que l'apprentissage lui-même se déroule autant que possible en fructueuse synergie avec leur scolarité, leurs formations, leurs sujets d'intérêts et leurs projets personnels. Pour les bénévoles comme pour les bénéficiaires, il s'agit ainsi de ne pas se limiter à garder le nez dans les guidons, de disciplines et d'usages très divers – dont, cependant, la découverte et la complémentarité sont elles-mêmes indispensables à la qualité de la formation.

Une programmation spécifique et complète, adaptée au mineur isolé. Intégrant en particulier rencontre initiale et création du lien, sensibilisation et informations générales, communications et affichages, recrutement, inscription et engagement, regroupement, accompagnement et covoiturage vers le lieu de l’activité cyclisme en attendant une plus grande autonomie. Donnant la priorité aux jeunes qui n’ont jamais pédalé. Partant du niveau de compétence le plus réduit et évoluant, motivation après motivation, degré après degré, savoir après savoir, vers les acquisitions essentielles, à la fois diverses et complémentaires, constitutives d’une formation plus solide. Pas question pour autant d'essayer d'en faire des spécialistes de telle ou telle discipline cycliste sportive. Il s'agit avant tout de leur faire découvrir très simplement les plus pertinentes et les plus polyvalentes d'entre elles au regard des objectifs fondamentaux de l'activité. C'est-à-dire ville, route, tout chemin et tout terrain, qui s'enrichissent mutuellement. Soit un module de 7 séances, ci-dessous très détaillées, et un peu illustrées.

1) Formation théorique initiée en salle, et poursuivie sans relâche in situ. Connaissance du vélo, des systèmes, des commandes et des réglages. Position du cycliste, règles relatives à la hauteur de selle et au placement des mains et des pieds. Code de la route, signalisation, spécificités du vélo et principaux dangers. Voies partagées, pistes et bandes cyclables. Le statut des trottoirs, et ce qui y est possible ou pas à vélo. Présélections, intersections et changements de direction. Règles de déplacement en groupe. Utilisation des plans, des cartes et des vues aériennes. Calcul d’itinéraire et orientation. Équipements obligatoires et facultatifs de la bicyclette. Importance de l’oxygène et fonctionnement musculaire. Appareils respiratoire et cardio-vasculaire. Rythmes cardiaques, échauffement et récupération. Notions nutritionnelles et diététiques. Protection de la peau et des yeux, et tenues appropriées. Rôle et importance du casque, des gants et du gilet de sécurité, avec essais et réglages. Préparation personnelle et matérielle de la sortie.

2) Formation pratique débutée en espace protégé, qui sera consolidée et aboutie au fil des sorties. Réglages individualisés du casque, du guidon, des leviers de frein (angle et course) et de la hauteur de selle. Évaluation initiale et repérage des besoins différenciés. Plusieurs, qui n'ont jamais pratiqué ou presque, débutent en mode draisienne. Conseils, sécurisation, entraide, jeux, essais, initiation, exercices, répétition, gymkhanas, entraînement, émulation, apprentissages. Accélération, ralentissement, contrôle de l'allure, distances de freinage, arrêt, arrêt d’urgence, et mesures. Utilisation simultanée exclusive des deux leviers de freins (sauf, plus tard, lors du lever de bras précédant un arrêt ou un changement de direction, lorsque la maîtrise est suffisante et la vitesse adaptée). Partage d'un espace, règles de priorité et exercices de coordination routière. Direction du regard, rotation de tête, trajectoire, évitement et changement de direction. Répétitions de changements systématiques de braquet, gamme de vitesses complète ; configurations en X à détecter à l'oreille et à éviter. Équilibres, lever alternatif de bras, lâcher de guidon, lever de selle, importance de l'appui constant des chaussures sur les pédales, et maniabilité. Maîtrise et sécurité. Arrêts et regroupements spécialement configurés pour les échanges ou l'écoute, à califourchon, des conseils et des instructions. Conduites à pied du vélo, techniques de manutention et de rangements.

3) Sortie dans un quartier. Indispensable immersion initiale, effectuée dans une circulation de plus faible densité. Mise en application des notions et des pratiques précédemment découvertes. S’initier au déplacement en groupe. Respecter les distances de sécurité. Rester concentré et vigilant, savoir repérer et anticiper les principaux dangers, notamment le risque d’ouverture de portières lors de la remontée d’une file de voitures stationnant le long de la chaussée. Savoir tendre le bras au niveau d'un risque avéré (s'agissant par exemple d'une personne ou d'un véhicule en train d'empiéter inopinément sur la chaussée) dans le but d'informer ceux qui suivent et de les aider à prendre le plus rapidement possible les mesures de sécurité qui s'imposent. Regarder à 360°, être vu et prévenir à l’avance, avec le bras concerné, les autres usagers d’un arrêt, ou d’un changement de voie ou de direction. Repérer, comprendre et respecter les droits et les intentions des autres usagers, les regards des conducteurs, les clignotants, stops et feux de recul des véhicules, les panneaux routiers, les feux tricolores et le marquage au sol. Respecter le code de la route, les priorités et les arrêts obligatoires. Anticiper et effectuer en sécurité toute manœuvre. Configurations de circulation aléatoires. Exercices spécifiques concernant les principaux cas de figure routiers. Apprentissage des intersections. Pratique du giratoire. Rouler sur un sentier partagé en respectant la priorité du piéton. Exigences de la courtoisie et des précautions de sécurité. Évaluation des acquisitions.

À l'issue d'une telle séance, ces mots, soudain sortis de la bouche d'un jeune récemment arrivé "I am happy. I've met some good people and you are all very nice. I learned a lot of things ! Thank you. Now I feel stronger and want go further."

4) Sortie en centre-ville. Immersion à présent rendue possible dans la circulation et les lieux qui correspondent au quotidien de la vie et des déplacements de ces jeunes. Mobilisation, renforcement et élargissement des compétences à vélo jusqu’ici acquises. Bandes et pistes cyclables, voies partagées et voies réservées, signalétique cycliste. Discontinuité et jonctions des itinéraires vélo. Attention portée aux piétons. Constant repérage axial et latéral de tous les véhicules, en mouvement ou pas. Portée et balayage du regard, et vigilance accrue au guidon : piéton, sortie de garage, îlot central, trou ou objet sur la chaussée, graviers, grille d’évacuation mal positionnée, marquages au sol humides ou zone empreinte d'hydrocarbures, etc. Représentation mentale des possibles imprévus, cachés par exemple derrière l’angle d’un bâtiment situé à une intersection, et précautions à adopter face aux supposés. Particularités, priorités et attitudes à déclencher dans les rues dont le contre-sens est autorisé au vélo, dans les rues piétonnes et sur les traversées, trottoirs et sentiers partagés ou tolérés. Précautions de conduite et contrôle de la vitesse en descente. Gestion des montées. Stationnement du vélo. Rencontres avec des Quimpérois, découverte de la cité, observations sans fin, débats, etc.

Au-delà de tous les aspects techniques, la dimension rencontre et découverte fait en effet partie intégrante de la formation. Humaine, géographique, scientifique, civique, sociale, administrative, historique, patrimoniale, culturelle, artistique, philosophique, architecturale, etc., elle donne à la sortie tout son sens. La visite du cœur de Kemper se prête tout particulièrement à cela, sollicitant ardemment l'ouverture des yeux, de l'intelligence et de la réflexion. Le plaisir de la découverte, de la discussion et de l'observation, qui représente pour le mineur isolé un des buts les plus motivants et les plus structurants au fait de sortir et de pédaler, participe pleinement à sa propre reconstruction.

5) Initiation VTT dans un bois de proximité. La découverte et la pratique de terrains plus compliqués avec un vélo adapté (VTT ou VTC) est sans doute la meilleure école de pilotage et de conduite, tous véhicules terrestres confondus. La façon la plus sûre et la plus rapide de développer – y compris et d'abord en vue d'un usage ordinaire et quotidien au sein de la circulation urbaine concentration, réactivité, adaptation, précision, vigilance, anticipation, bons réflexes, capacités physiques, habiletés spécifiques, maîtrise de soi, maîtrise de l'engin. La capacité d'analyse, de synthèse et d'adaptation continuelles, rapides – et parfois très accélérées en descente – de la complexité des quinze mètres découverts devant soi, constamment renouvelés ! La meilleure appropriation des lois de la physique propres à la bicyclette, et bien au-delà d'après des spécialistes. La meilleure acquisition proprioceptive concernant notre relation à la surface de la planète via une machine à roues en mouvement. Initiation technique progressive, encouragée, bien encadrée et sécurisée sur des surfaces inégales, glissantes, instables ou mouvantes – ornières, cailloux, sable, ruissellements, boue, feuilles mortes, racines humides, par exemple. Favorisation et familiarisation du recours à de fréquents ou systématiques changements de braquet. Franchissement de petits obstacles, angles souhaitables ou dangereux d'approche, et soulever de roue avant. Exercices sécurisés de franchissement de fossés, de talus, puis de combinés. Lever de selle, utilisation des membres supérieurs pour, momentanément, opportunément et alternativement, tirer à soi ou repousser et tenir loin de soi le guidon. Déplacements du bassin du cycliste et constante adaptation du centre de gravité du couple cycle-cycliste aux inclinaisons latérales et axiales du vélo. Recherche permanente de l’équilibre, de la meilleure liaison au sol, de la meilleure adhérence, et des meilleures conditions de freinage et de motricité. Découverte, connaissance et prévention des limites diverses. Parcours de synthèse et enchaînements.

Joie partagée d'avoir réussi l'impensable ! Luisants et radieux visages des jeunes et des moins jeunes ! Pauses de récupération et d'observation. Flamboyante, trop furtive et très commentée queue d'écureuil disparaissant en trois bonds dans les plus hautes frondaisons. Orientations cardinales. Repérage des feuilles, des fruits et des trois essences principales des arbres rencontrés. Vestiges et histoire des chemins creux, des murets, des carrières, des traces de fouilles archéologiques, quelques mots sur l'arrivée et l'installation des humains sur les bords de l'Odet, etc.

Là encore, le but de la sortie est plus important que le moyen matériel permettant d'y parvenir. C'est un cercle vertueux, la maîtrise technique et l'assurance progressant proportionnellement à l'intérêt supérieur de la sortie. Et réciproquement. Quels que soient l'importance évidente et le caractère utilitaire de l'acquisition de maîtrise et d'habiletés au guidon, ce sont bien la découverte du milieu naturel, sa fréquentation, sa connaissance, son respect, son attrait et ses bienfaits (que ces victoires sur soi-même et sur les éléments naturels rendent elles-mêmes beaucoup plus accessibles) qui, pour les jeunes, sont les vrais moteurs de la sortie vélo, la vraie source d'inspiration et d'énergie pour progresser, affronter sans peur ses propres appréhensions et s'attaquer à toutes les difficultés du terrain – et de la vie. Contribuant de mille manières à la reconstruction des mineurs isolés, ils constituent ainsi des éléments forts, caractéristiques, indissociables et indispensables de la présente formation.

6) Boucle VTT de la pointe du Van. Un authentique et marquant parcours sportif tout terrain. Des efforts physiques conséquents malgré de faibles pentes, hormis quelques très courts raidillons bien anticipés et bien négociés. Boucle technique et pittoresque de 14 km empruntant des secteurs autorisés balisés. L’occasion de solliciter et de développer beaucoup toutes les compétences acquises en forêt.

Tout d'abord chemins creux maillant le bocage intérieur, où les roues motrices des tracteurs ont signé de leur empreinte de conséquentes ornières. Chemins souvent très humides au printemps, voire transformés ici et là en inévitables mares fangeuses opaques très lourdes et très glissantes où se cachent tous les pièges, et où s'enfoncent les roues du vélo, parfois jusqu'au moyeu. Ou bien en ruisseaux jaillissants, toujours limpides et laissant plus heureusement apparaître le détail des aspérités du sol. Chemins où il est tout à fait possible pour chaque jeune, et plutôt motivant, comme on le constate sur place, de garder victorieusement et sans aucun murmure les pieds (presque) au sec, tant qu'il réussit à conserver, assis, à la fois équilibre et motricité – à coups de guidon et de pédales opportunément exécutés, intelligemment dosés et parfaitement synchronisés – au prix d'un engagement et d'une concentration sans faille, et de longue haleine. Mais sans garantie aucune concernant les menues décorations, non désirées, de l'habit ou du visage. Cela change un peu, il est vrai, des écrans, joysticks et fauteuils de la modernité autocloîtrée qui déchargent si bien les parents et ne laissent effectivement que peu de traces aux virtuels exploits. Mais réservent parfois quelques surprises de taille et bien des murmures au moment d'affronter les reliefs propres et figurés du monde réel, de s'y repérer, de s'y épanouir et de s’y rendre utile.

Nettement plus roulants, oxygénés et radieux sont ensuite les consolateurs et fantastiques sentiers qui bordent le rocheux et majestueux littoral élevé du nord du Cap Sizun. Zones naturelles protégées signalées et expliquées. Découvertes saisissantes (en 4D) de sites, de points de vue et de panoramas côtiers fabuleux ! Du premier plan jusqu'au dernier, sous tous les angles et dans toutes les directions, de la surface de l'océan jusqu'au zénith, les espaces, les formes, les volumes, les surfaces, les variations, les mouvements, les combinaisons, les mosaïques et les contrastes de couleurs et de lumière, sans nombre, et combien vivants, changeants, ondoyants et éblouissants, souverainement offerts par dame nature, contemplés par des jeunes transportés d’émotion, balbutiant de louange entre de longues désaltérations. Petites marches d’observation. Respectueux et très silencieux accroupissements devant de fascinants trésors dénommés ornithopus pinnatus ou vandenboschia speciosa – les langues se déliant instantanément à la révélation de leur plus courante appellation, les yeux toujours unanimement rivés sur le jaune éclatant des si ravissantes petites fleurs ! Orientation, et très enthousiasmants repérages visuels des îles, des caps et de points remarquables de la péninsule, éloignés parfois de plus de 40 km.

Palabres passionnés, se poursuivant sans lassitude en voiture durant le retour, et pendant des jours auprès de leurs amis. Mais qui a parlé d'épuisement ou de vilaines taches marron ?

7) Randonnée cycliste à la plage. Dernière étape, aboutissement de la formation vélo regroupant l'ensemble des mineurs isolés ayant suivi les 6 précédentes séances. Familialement et tranquillement réalisée en compagnie de nombreuses personnes de tous âges qui, formant une colonne de plus de 300 mètres, pédalent, aller et retour, de Quimper à l'Atlantique, c'est en effet la plus longue distance jamais accomplie en un jour par ces jeunes. Et presque le même chemin qu'aurait autrefois suivi le roi Gradlon, accompagné de son ami Corentin, pour rendre visite en ville d'Ys à sa fille Dahut. La plus variée, la plus végétale, la plus richement dotée et la plus jolie voie verte de la région. Avec pour destination les plus belles et les plus vastes plages de la baie de Douarnenez, où les attendent baignade, repas, rencontres, jeux partagés et moments jubilatoires. La séance qui a évidemment le plus de succès sur le tableau d'inscription des bénévoles. Journée de très grande convivialité ouverte à tous, telle que détaillée dans le chapitre suivant.

À l'issue de la formation complète, chaque jeune peut, avec grande fierté et très grand bonheur, bénéficier de façon méritante, pour son usage personnel, auprès de l’association Kernavélo, d’un prêt solidaire de bicyclette à durée indéterminée. Prêt gracieux copieusement enrichi de l’invitation à apprendre, dans l’atelier participatif de l’association, auprès d’experts enchantés, à contrôler, entretenir, adapter, régler ou réparer, et de façon autonome, ce vélo si plaisant et si utile qu'à présent il connaît, apprécie et respecte.

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5. RENCONTRES

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Autour du mineur isolé les activités physiques et sportives attirent, rassemblent et font se rencontrer des personnes qui ont le privilège de vivre et de partager des moments exceptionnels d'humanité et de convivialité.

Des randonnées cyclistes d'une quarantaine de kilomètres qui entraînent ces jeunes à la plage un dimanche de juin entourés d’une quarantaine d’habitants de la région venus les rencontrer, les écouter, les accompagner, les encadrer, les former ou les aider – familles et enfants, jeunes et moins jeunes, cyclistes et non cyclistes, nageurs et non nageurs, adhérents ou pas, bénévoles, hébergeurs, conducteurs, formateurs, spécialistes, sportifs de très haut niveau dont Marine et Pierre (respectivement 1ère et 10ème au championnat du monde de leurs disciplines), maîtres-nageurs, secouristes, médecins, partenaires experts, tel Kernavélo avec la participation exemplaire de ses membres – il est superflu de décrire l’intérêt inouï et partagé de telles journées, à toujours bénéfiquement gravées dans la mémoire des mineurs isolés. Et toujours ardemment et unanimement réclamées.

Les APS confrontent directement et intéressent très opportunément ces adolescents et leurs cultures à une avalanche de domaines annexes extrêmement variés, directement liés à la pratique sportive elle-même ou fortement suggérés par le caractère et la richesse des sites arpentés, favorisés par l'ambiance, la convivialité, la confiance et la parole partagée.

Domaines parmi lesquels nutrition, physiologie, biologie, hygiène de vie, santé, diététique, prévention, arithmétique mentale, géométrie, mathématiques, physique, astronomie, géographie, géologie, toponymie, botanique, agriculture, élevage, pêche, gastronomie, biodiversité, écologie, recyclage, énergies, économie, métiers et projets d'avenir, musique, langue bretonne, patrimoine, architecture, histoire de l'art, histoire, histoire des religions, géopolitique, laïcité, démocratie, citoyenneté, constitution, législation, philosophie, institutions, administrations, associations, bénévolat, histoire et actualité des droits de la personne humaine.

Gratuits, iIlimités et passionnants domaines qui les touchent de très près, les bouleversent, les motivent incroyablement et qui, en particulier, les relient et les renvoient à leur scolarité avec une puissante force d'intérêt.

Que ce soit à l’occasion des rencontres, ou des activités organisées par exemple avec les rameurs.ses de pirogues tahitiennes, avec les responsables de la Capoeira Angola afro-brésilienne, avec les joueuses d'équipes belge, allemande ou quimpéroise de volley-ball de haut niveau, ou en serrant la main du joueur de badminton de l'équipe de Quimper (et de l'équipe de France) qui vient de remporter son match de N3 face au joueur de St-Brieuc ; que ce soit lors des entraînements volley, ou dans les vestiaires, avec les joueurs quimpérois de leur âge ; que ce soit au cours de la formation vélo, au cours des marches découverte et des excursions cyclistes qu'ils accomplissent dans notre si généreuse région, ou même des covoiturages qui les conduisent par exemple aux séances natation gratuitement proposées à la piscine de la route de la pointe du Raz – les situations aléatoires et les configurations liées aux APS foisonnent, provoquant leur curiosité, leur réaction, leur attention, leur questionnement, les rencontres et les échanges.

Nous laissons maintenant à chacun.e le soin d'apprécier les instants suivants, relevés parmi les centaines de situations vécues. Ou bien, dès que tout cela redeviendra possible, de venir bientôt vérifier sur le terrain, parfois très boueux, en nous rejoignant ! Les fenêtres ouvertes donnent parfois des idées. Pourquoi pas ces temps-ci ?

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6. OBSERVÉ, PARTAGÉ

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Examiner avec émerveillement le panorama ébouriffant découvert depuis les 281 mètres du sommet de la Roche du Feu, située à 25 minutes au nord de Quimper, trouver grâce à la table d’orientation flambant neuve le nom de deux des principaux sommets bretons aperçus à 21 kilomètres, les équidistants Menez Mikel, au nord, et Menez Hom, au nord-ouest. Puis, confortablement calés à l'abri des rochers, montres arrêtées, se renseigner successivement sur l'histoire des communications, les intentions des Vikings et l'histoire des migrations.

Assimiler silencieusement avec application et abnégation les lois de la physique en pédalant très durement et très délicatement au milieu des pièges détrempés et accidentés de la boucle VTT de la pointe du Van pour stopper net dans la descente d'une petite route autrement plus roulante – bouches bées et respirations suspendues devant l’apparition soudaine d’un océan qui envahit l’horizon tout entier. Réclamer de crapahuter dans ces broussailleux et tortueux hectomètres glissants et très étroits qui mènent à l’extrémité de la pointe du Castel Meur. Du haut duquel ils se demandent, dans une subite et assourdissante cacophonie, combien d'encablures les séparent du cap de la Chèvre et si la pointe St-Mathieu est moins éloignée que le Menez Hom qu'ils viennent d'apercevoir 38 kilomètres à droite (tout en nous hélant pour savoir pêle-mêle dans quelles directions se trouvent l'Afrique et l’Amérique, et si nous pouvons leur confirmer la rotondité de la Terre). Au moment d'enfourcher à nouveau leurs montures, demander enfin pourquoi le ciel est bleu et l'océan salé, puis la distance qui nous sépare de la Lune.

Spontanément remarquer, place St-Corentin ou près de l'église de Ploaré, l'objet cylindrique que le professeur Laennec tient en sa main, et chercher résolument à découvrir et à comprendre avec notre aide l’utilité et le mode d'emploi de l'instrument en question. Parfois serrés de badauds qui, eux, n'ont absolument rien saisi. Mais que le très insolite manège de ces jeunes – qui sans façons essaient d'examiner la main haut perchéd'une antique statue et discutent aussi bruyamment – rend prodigieusement perplexes !

Déchiffrer, 2 mètres au-dessus de leurs têtes, puis réaliser lentement, une petite lueur naissant malgré tout dans leurs regards incrédules, la signification de chacun des termes de l'article 1er de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 inscrit rue St-Mathieu, au mur de la première préfecture de Quimper. Avec demandes d’explication détaillée quant aux motivations et aux circonstances historiques de la rédaction de cette pierre angulaire du Droit – et surtout sa traduction palpable aujourd'hui en ce qui les concerne directement. De temps en temps, plusieurs mineurs isolés aiment scander à nos oreilles les dix mots de la première phrase de l'article, enregistrés à vie. Peut-être les clameront-ils ou les déclineront-ils autrement bientôt.

Près du confluent de l'Odet et du Steïr, consulter la plaque fixée sous le buste en bronze de Jean Moulin, leur attention retenue par certains points du texte. Puis supplier les accompagnateurs de leur laisser du temps supplémentaire sur place avant de repartir à vélo vers le lieu du goûter, pour comprendre pourquoi vraiment « Sa vie est un exemple pour la jeunesse » et obtenir à tout prix quelques éclaircissements s'agissant des mots « Résistant », « Libération » et « République ».

Immergés à l'occasion des diverses sorties au milieu de tant de surprises et de nouveautés, bien souvent invisibles pour les habitants de la région, les mineurs isolés ne cessent de nous étonner et de nous interpeller par leur attention, leur acuité, leurs étonnements, leur perspicacité, la teneur de leurs sujets d'intérêt, leurs attentes, leur réflexion. Même si parfois leurs accompagnateurs finissent par s’impatienter, leurs questions ne tarissent pas et les débats se succèdent. Spontanément et très naturellement les sonneries des portables sont ignorées, les écouteurs rangés, les stylos réclamés et les connaissances mémorisées.

« De quelle invention Laennec est-il l’auteur ? » « Quelle fut la devise personnelle* du grand médecin né à Quimper ? » Il y a peu de temps, dans un lycée quimpérois, un professeur de sciences posait à ses élèves ces deux questions très intéressantes. Trois mains se levèrent à la première question. Une seule à la deuxième, déjà levée précédemment. Tout compte fait, un seul et unique élève fut en mesure de répondre parfaitement aux deux questions. Respect assuré auprès de toute la classe, dans la cour et jusque dans la salle des profs ! Il s'agissait en l’occurrence de l’un des mineurs isolés inscrits au plus grand nombre des activités sportives proposées. Lequel avait visité Kemper à vélo dans le cadre des sorties organisées par Le Temps Partagé et même alors demandé avec ses amis la poursuite, lors des circuits suivants, des observations et de la réflexion débutée.

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7. AUTONOMIE

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La riche diversité des disciplines physiques et sportives proposées, des terrains pratiqués et la multiplication des situations affrontées suscitent, encouragent et accompagnent les acquisitions expérimentales.

Outre la soif de connaissance, de découverte et d'exploration, elles développent ainsi les facultés d'observation, d'écoute, de réflexion, de débat, d’ouverture et d'adaptation du jeune – ses capacités propres d'analyse, de synthèse et de décision. Voire plus largement ses capacités critiques et de jugement, ses capacités d'association, ses capacités de projection, de proposition et d’argumentation, comme de plus libre arbitre. Tout en favorisant in situ, d'une manière tellement plus évidente et naturelle que par une voie didactique abstraite, son ouverture à la pluralité de la pensée et des modes de vie, comme aux grands principes de son pays d'accueil.

À l'heure où il se trouve particulièrement exposé à des plis, des discours, des incompréhensions, des manipulations, des discriminations, des oppositions, des prétentions ou des influences de toutes origines, ces activités lui font s'équiper un peu plus précocement de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être comportementaux et sociaux extrêmement précieux pour sa liberté et son autonomie. Très utiles, notamment pour évoluer en étant capable d’agir et de s’exprimer plus intelligiblement, de se faire mieux comprendre et respecter quand lui-même présente ses projets ou fait valoir son droit.

Les activités physiques et sportives restent en effet l'une des meilleures écoles d'une autonomie et d'une liberté cultivées et assumées, qui se nourrissent de l’expérience et des connaissances, les orchestrent et les appliquent. C’est donc avec cet objectif primordial que Le Temps Partagé essaie de proposer un panel sportif équilibré et sur mesure, aussi adapté que possible à la personne, à la situation individuelle et aux besoins du majeur en devenir.

Il n'est pas concevable en effet de demander parfois un peu autoritairement à l’adolescent isolé exilé de devenir en quelques mois un « trouveur de solutions » capable de se débrouiller seul et de se faire respecter dans la vie qui s'approche aussi rapidement, sans lui proposer en même temps l’opportunité d'acquérir l’essentiel des dispositions mentales, des ressources et des compétences nécessaires à une telle lucidité, à une telle autonomie, à une telle énergie.

Concernant l'hébergement, les besoins alimentaires et vestimentaires, la santé, l’état civil, la question juridique, la scolarisation et toutes les actions citoyennes et publiques, le fait d’agir à la place d'un enfant démuni des moyens de se suffire, de se défendre et d’agir est la moindre des choses, la base même de l’humanité. Mais, sans se laisser abuser parfois par les apparences de maturité, apprendre simultanément à ce jeune, désorienté, démuni et désemparé, à devenir autonome le plus rapidement possible, vu sa situation, et lui apprendre à agir lui-même et savoir se défendre, c’est encore mieux.

Alphabétiser, renforcer ses compétences en français, en mathématiques et en méthodologie, lui délivrer des connaissances, réussir à le scolariser, lui offrir occupations et loisirs, lui communiquer les contacts, les aides, les réseaux adaptés et les recours accessibles dans les domaines juridique, administratif, associatif, scolaire et de formation, et l'initier à la connaissance du Droit et au classement de ses dossiers, est absolument fondamental.

Mais est-ce tout à fait suffisant pour le mineur isolé ?

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8. PRÉPARATION

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Faire exactement les mêmes choses tout en lui permettant, essentiellement grâce à une synergie physique et sportive associée, ouverte et adéquate, d’apprendre le plus rapidement et le plus efficacement possible à mobiliser et à utiliser opportunément, dans les faits de la vie quotidienne et dans l’action, l’ensemble de ces acquis au profit de son autonomie sociale et de la préparation particulière au parcours plutôt épique qu’il va devoir bientôt braver, n'est-ce pas là une obligation de tout premier ordre à son égard, moins stérile et plus respectueuse que les plus ferventes postures et incantations ?

Adjuvant ou catalyseur très tonique, un peu hétérodoxe à première vue, certes. Mais apprentissage innovant capital que le mineur isolé exilé ne trouve ni au collège, ni au lycée … quand il ne se voit pas privé de scolarité.

À quoi sert-il de s’émouvoir autant des lieux, des moments, des risques et du sort qui attendent cet adolescent, et même de l'en informer en détail si, au final, c’est pour le laisser partir au front passablement désarmé ? Si au final, après toute l'attention, le temps et l'énergie qui ont été si justement déployés ici en sa faveur, c'est pour se satisfaire de prononcer quelques amicales injonctions documentées et de le regarder s’éloigner se livrer sans réelle préparation à la fantaisie ou la tyrannie des aléas, et à la bonne ou mauvaise volonté de beaucoup plus puissants que lui ? La question mérite véritablement d'être posée.

Devant la nécessité impérative d’aider le mineur isolé à devenir autonome pour sa majorité, l'organisation actuelle de la société, ou même notre propre engagement citoyen dans la défense vigilante du droit de ces jeunes, pourraient-ils nous donner à ce point bonne conscience et constituer une excuse suffisante à l'inaction plus valable que dans le cas de chacune des aides qu'on s'efforce très solidairement de leur fournir par ailleurs ?

Bien entendu, les déplacements que nécessitent ces activités, l’éloignement du domicile d'accueil, l'insuffisance ou l’inadaptation des moyens de transports, les contraintes diverses, le manque de disponibilité ou de mobilité et la fatigue des hébergeurs eux-mêmes, ou encore l'incompatibilité des emplois du temps, sont des aspects pratiques respectables très importants. Pour le mineur isolé, ils peuvent représenter un réel obstacle pour accéder à une pratique sportive diversifiée, et il n'est pas toujours simple ou possible de les traiter.

Il faut cependant essayer avec patience et détermination de trouver ensemble des solutions au cas par cas, si possible de proximité. Dans d’autres domaines des solutions sur mesure ont bien été imaginées chaque fois que nécessité et solidarité se sont donné la main, et on demande bien aux jeunes d'en trouver ou d'en inventer eux-mêmes tous les jours.

Avant tout les bénévoles qui les hébergent, ou pas, doivent être en mesure d'informer, de renseigner et d’encourager très chaleureusement les jeunes à s’inscrire au plus grand nombre possible des activités proposées. En particulier de les convaincre de la place et l’importance des APS pour eux, et de les aider à dépasser les préjugés quand par exemple ils refusent tout net, avant même de les avoir découverts, des sports qu'ils ne connaissent pas, ou des sports qu’ils croient « réservés aux filles ».

Et, lorsqu’ils sont inscrits, leur apprendre à honorer leurs engagements sportifs comme à résister aux apparences du ciel et aux sollicitations simultanées de toute nature qui les pressent inévitablement au décours de la saison.

Le séjour du mineur isolé exilé est tout à fait à l’opposé d’un passage ordinaire et progressif de la période protégée familiale à la vie autonome dans le monde réel. Tout le dévouement des bénévoles et l’indispensable et précieuse lumière des meilleurs cours du secondaire sont insuffisants pour assurer au jeune en peu de temps l'autonomie dont il aura un besoin absolu à très court terme. Autonomie et comportements qui s’apprennent généralement dans les actions de la vie courante.

Mais, pour ce jeune, avec une éducation et un calendrier à la fois initialement tronqués, et aujourd’hui fortement contraints par l’inexorable échéance de minorité, elle-même dépourvue de l’environnement et des souplesses dont habituellement on bénéficie encore à cet âge.

Autonomie et comportements qu'il peut acquérir ici de façon structurée, condensée et cohérente, dans un cadre spécifique et adapté plutôt convivial, essentiellement physique et sportif, reliant et directement relié à tout ce qui est déjà entrepris pour ce jeune.

Le plus dur pour lui, ce ne sont pas les heures et les journées d'efforts sportifs, les litres de transpiration, la dépense massive d'énergie en salle, sur les divers terrains, sur l'eau, dans l'eau ou sur les collines. Non, l'Everest que doit arriver à vaincre, bien encordé, le jeune exilé, c'est le premier pas qu'il va devoir accomplir ici pour sortir de sa chambre et de ses habitudes, écouter, s'ouvrir, s'éveiller, comprendre et s'intéresser aux informations qui lui sont données, et décider ou accepter, dans une relation de confiance ! d'inscrire son nom à l'une au moins des APS proposées, pour commencer. L'expérience montre que le reste vient ensuite tout seul ou presque, avec les résultats que l'on connaît !

Pourvu qu'il soit, INITIALEMENT, correctement informé, patiemment et chaleureusement encouragé et réellement accompagné pour s'inscrire aux activités sportives. Avec, de la part de l'adulte, un tact approprié, des contextes bien choisis, beaucoup de persuasion, les arguments documentés décisifs et, si possible, des habitudes de vie et des pratiques qui ne contredisent pas les discours. Attention au statut que l'adulte donne au sport et à la crédibilité ! Car le but n'est pas simplement d'occuper le jeune, c'est beaucoup plus que cela ! Et le priver d'un apprentissage aussi essentiel, même inconsciemment ou indirectement, serait-ce vraiment la meilleure façon de le respecter et de l'aider ?

Très clairement et très précisément, quel est donc le véritable enjeu ?

En supposant même la meilleure des dotations, que fait en effet ce jeune homme de ses plus brillants bagages scolaires, de ses plus excellentes formations et de ses plus précieux documents administratifs, par ailleurs si chèrement décrochés à Quimper, à Paris, à Bondy, à Bagnolet, en Afrique ou d'autres continents au prix d'incessantes démarches, de multiples courriers, de journées très éprouvantes pour tous au sein des ambassades, et de quelques milliers de kilomètres d'autoroute parcourus entre les bords de l'Odet (ou d'autres rivières) et les bords de Seine ?

Que fait donc concrètement ce jeune homme exceptionnellement doté, s'il débute sa vie d'adulte pratiquement privé de la plupart des compétences et des sésames personnels d’autonomie, seuls capables de l'aider à faire activement valoir tous les acquis et tous les droits reconnus – à imaginer, à esquisser, à échafauder, à poursuivre et à réaliser ainsi son propre parcours plus souverainement et plus intelligemment ?

Et que dire de la situation du grand nombre de ses amis bien moins dotés ?

Si l'on admet sans sourciller le principe des classes préparatoires pour l’élite des majeurs et des mineurs plus rarement isolés ou défavorisés, s'étonnerait-on de l'idée que le mineur exilé incontestablement isolé puisse, lui aussi, bénéficier d'une sorte de classe prépa à sa dimension ?

À savoir un apprentissage complémentaire bien défini visant à le préparer à affronter dans les meilleures conditions d'autonomie son singulier et imminent lendemain. En remédiant aux carences éducatives qui le touchent. En le rendant capable de mobiliser, d'utiliser et de faire valoir de la meilleure manière, en lieu et moment opportuns, son droit, ses acquis, ses compétences et ses qualifications. Chez lui, l'expérience et la lucidité ainsi acquises feront sa force – son droit passant d'une représentation trop théorique à une plus vitale pratique quotidienne, sociale et constructive.

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9. RÉALITÉS

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Les enjeux sans comparaison de survie et de réussite laissent-ils même le choix d'hésiter ? Mais l’intention la plus sincère suffira-t-elle ? L’importance et l’urgence des besoins concernant ces jeunes ne cessent d’empirer en fonction du contexte national et départemental. Individuelles ou collectives, quotidiennes ou plus ponctuelles, verbales, matérielles, citoyennes, sociales ou administratives, locales ou dépaysées, multiples et fort enchevêtrées sont les démarches et les actions qui restent complexes et fastidieuses, souvent imprévisibles et ingrates. Dans tous les cas elles requièrent énormément de vigilance, de temps et d’énergie. Et le manque de bras, de moyens et de temps est une réalité cruelle. Dès lors les bénévoles investis, qui souvent se spécialisent, se dévouent sans compter, surchargés et très absorbés.

La pratique physique et sportive pour le jeune devient vite secondaire. La monodiscipline sportive qui peut subsister autour du même ballon avec les mêmes amis redevient souvent, au mieux, une saine occupation avec quelques perspectives ; au pire, un gadget optionnel tout juste bon à ne pas laisser le jeune sans occupation. Même quand elle existe, la connaissance théorique, distante ou abstraite des valeurs et des bienfaits des APS – en termes de rémunération physique et mentale majeure, en termes d'inclusion, de reconstruction, d'autonomie et de réussite assurés – ne suffit pas et ne compte plus. Stress, épuisement, faux refuges, repli sur soi, résignation ou vulnérabilité, (manque de conviction et de crédibilité du côté adulte), ne demandent qu’à les remplacer alors même que l'on s'estime ou que l'on s'affiche suffisamment fort dans le statu quo.

Cependant la vivifiante vigueur du vent d’ouest et la molécule d'eau, si absente au désert, sont vite jugées nettement plus redoutables, en temps ordinaires, que des confinements faussement rassurants ou parfois de molécules infiniment moins amicales à l'égard de la vie, et nettement plus coûteuses. Les tableaux d'inscription sont de plus en plus désertés et ignorés, surtout quand le ciel est encombré et le terrain gras, inégal ou incliné. Les soi-disant temps pourri et temps perdu deviennent les arguments suprêmes et décisifs, des murs que, soudain, on se sent incapable de franchir. On pense inconciliables les choses, dans l’incapacité nouvelle d'imaginer et de s'organiser autrement. De fait, on ne sait pas de quoi l’on se prive. Et peut-être ne peut-on plus le discerner, même après d'édifiants vécus.

En fin de compte, la seule voie éprouvée qui offre à la carte un gain substantiel d’oxygène, de dépollution, de recul, de hauteur, d'espace, d'authentique, de ressourcement, d’énergie, de détente, de santé, de prévention, d'ouverture, de rencontres, de convivialité, de partage, de découvertes, de lucidité, de vision, de compréhension, d’éveil, d'accomplissement, de mouvement, de dépense physique, de victoires, de confiance, d'assurance, d'affranchissement, de joies, de mental, d'équilibre, de liberté, de plaisir, de bien-être, de temps, de projets, de rêve, et qui est généralement dépourvue d’effet indésirable et de contre-indication, est très paradoxalement devenue indésirable ou fait fuir. Le renoncement surréaliste des jeunes, et des moins jeunes, est là.

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10. ÉCLATANTES VICTOIRES

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Et pourtant ! Au cœur même des souffrances et des problématiques de tous registres qui hérissent son quotidien et obscurcissent son avenir, existe-t-il beaucoup de chemins qui apprennent au mineur isolé, dans des conditions aussi adaptées, aussi naturelles, aussi claires, aussi respectueuses et aussi puissantes, à regarder les choses en face et à prendre un peu de recul ? À affronter résolument et bien plus sereinement son propre avenir avec une énergie et des outils appropriés ?

Existe-t-il une meilleure école de l'autonomie ?

Y a-t-il donc beaucoup de solutions qui le rendent aussi humainement, aussi vigoureusement et aussi directement capable de contrôle de soi, de rationalité et de confiance ? De réveil et de lucidité, de but et de repères, de motivation et de détermination ? D'expérience et d'espérance ? De clairvoyance et de combativité ? D’endurance et de persévérance ? De véritable résistance ? D'estime et de dépassement de soi, d'ouverture, d’affranchissement et de liberté ? De conviction et d'argumentation ? De responsabilité, d’inventivité, de parole et même d’humour ? Comme de sourires, de projets et d’inimaginables victoires, partagés et savourés sans aucune modération !

Emblématique bouquet final résumant et proclamant tout ceci en point d’orgue, la photo réalisée par Marine, organisatrice de la journée natation ici rappelée, est à même, à la fin du texte, de conclure très logiquement toutes ces lignes avec une magistrale et bienfaisante vitalité.

Ces jeunes pénétraient pour la première fois dans une piscine, spécialement et gracieusement réservée pour eux une grande partie de la journée. Comme souvent, bien qu'informés à maintes reprises durant les jours qui précédaient, il avait été très compliqué pour certains de s’extraire de leurs chambres en moins d’une heure. Une dizaine de maîtres-nageurs, fiers et un peu émus de les accueillir, les attendaient donc avec table ronde et visite des lieux, puis match de basket et repas très joyeusement partagés en plein air.

Ravis, touchés et très reconnaissants de ces instants de sincérité, de respect et d’humanité, les mineurs exilés ont soudain pris l’initiative d’enchaîner avec un cours de danse africaine proposé sans protocole, impérialement dispensé à des maîtres-nageurs subjugués.

Mais eux-mêmes n'avaient jamais appris à nager ! Surtout, depuis des mois l’eau était devenue la terrifiante Ennemie qui les avait effroyablement menacés lors de la périlleuse traversée de la grande Mer, engloutissant impitoyablement quelques-uns des leurs. Et avait causé un traumatisme tel, que se manifestaient encore bien des cauchemars. Ou même des cris, oui, à la seule vue du liquide horizon ...

Mis en confiance, éveillés et préparés d'une manière qui fait école, ils ont été les plus forts, cette fois ! Sans crier gare, prenant de court au dernier pas de danse les spécialistes stupéfaits, ils se sont soudain précipités vers le grand bassin, au fond duquel ils ont plongé comme un seul homme. Et sont restés un interminable moment sans qu’un cheveu ou bonnet ne dépassent pour y réaliser, les yeux écarquillés, des longueurs et des pitreries à profusion, comme l'ont mis en évidence les caméras subaquatiques. Inédit. Impensable. Extraordinaire.

Décidés enfin à émerger, ils ont alors multiplié dans la jubilation les exercices de natation avec un zèle hors du commun, accomplissant minute après minute de fulgurants progrès sous la conduite de maîtres-nageurs littéralement médusés.

À la fin, les mineurs isolés ne voulaient plus quitter l'eau. Accoudés au bord du bassin toutefois pour souffler un peu, leurs regards se croisaient silencieusement, avec le sourire complice et satisfait de la prestation accomplie. Sans doute commençaient-ils tout juste à réaliser, en récupérant, l'ampleur d'une victoire qu'ils n'oublieraient jamais.

Devant des témoins aussi déconcertés que bienheureux ils venaient en effet, le 12 février 2019, de se libérer de la dictature de la terreur et de la fatalité en clouant définitivement le bec aux prétentions du défaitisme. Et de terrasser tout ce qui les empêchait de retrouver aussi bien l’originelle Amie que l'envie, désormais chevillée au cœur, de remporter tous les autres combats de la vie.

Plus d'un an après, ceux de ces jeunes toujours présents à Quimper ne se taisent point pour rappeler le jour d'un tel exploit, d'une telle victoire – la leur ! Exposant en détail, les yeux remplis d'étoiles, tous les bienfaits pour eux-mêmes des diverses activités physiques proposées.

L’image saisie ce jour-là demeure, elle aussi. Éblouissante. Proclamant sans retenue et unissant dans une splendide harmonie ... heureuses complémentarités, totale solidarité, triomphe partagé, indicible joie et enthousiasmantes perspectives.

Aux personnes quotidiennement au charbon qui aident d’une manière ou d'une autre ces jeunes gens, toutes ces illustrations de vie parlent assurément.

Et le chavirage dans l’anse de Bénodet de l’une des pirogues tahitiennes qui faisaient route ensemble au retour de l’Île-Tudy, à bord de laquelle se trouvaient six rameurs, dont trois mineurs isolés bien équipés et bien encadrés. Dessalage extraordinairement marqué de rires et d'une belle solidarité.

Dépassant tout juste la coque retournée, mentons et bras tranquillement posés sur la quille, ces trois mines hilares, absolument excitées de vivre une fabuleuse aventure, en train d'observer avec beaucoup d'amusement les autres pirogues, toujours très anxieuses, foncer dans leur direction !

Sur une pirogue arrivée à la rescousse, ce mineur isolé plutôt préoccupé demandant très discrètement, avec une solidaire et élégante attention, à une rameuse expérimentée reprenant place à bord de l’embarcation rétablie si elle allait bien et n’avait pas été trop épouvantée lors du chavirage.

Et cet écopage cadencé, si joyeusement exécuté en moins d'un quart d’heure par six rameurs solidaires. Et ces accolades, forcément très émues au débarquement sur la petite plage du centre nautique de Ste-Marine. Et tous ces fous rires, paroles et gesticulations qui, de Ste-Marine à Quimper, ont fait vibrer et tanguer d'allégresse les habitacles d'un covoiturage triomphal.

Choses qui, évidemment, n’auraient jamais vu le jour sans la considération, la simplicité, la convivialité, la confiance, l'expérience et les très sportives convictions avec lesquelles le Team Marara Va’a accueille et conseille les jeunes, en leur faisant partager à la rame … de considérables efforts !

Ou vient même spécialement les rencontrer en soirée à Quimper, avec Mc Coy en personne, l’un de ses rameurs, touché et heureux de raconter, images à l'appui, sa fantastique traversée de l'Atlantique à la rame en solitaire devant un public passionné et très attentif qui, totalement affranchi de la peur, se met à rêver !

Qui parlait de tabou ?

« Bien dans son corps, bien dans sa tête », rappelle à point nommé Claire, la présidente du club, avec une belle sagesse.

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11. HARMONIE

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En particulier, études et sports ne devraient pas être arbitrairement regardés comme des rivaux ou des adversaires, mais comme de solidaires alliés que leurs interactions rendent mutuellement beaucoup plus intéressants et beaucoup plus performants.

Comment maîtriser par exemple le temps, l'espace, la vitesse, la trajectoire, les éléments naturels, son corps, ses gestes, son effort, le ballon, le cerceau, le javelot, la voile, la rame, la barre fixe, la piste, la haie, la falaise, la glace, ses skis, son cheval ou son vélo, et comment mieux se connaître et connaître mieux la personne adversaire, concurrente ou partenaire et sa psychologie – autrement dit comment s'améliorer – sans découvrir, s’approprier, maîtriser, appliquer, vivre et approfondir, avec bonheur, presque naturellement, les connaissances apportées par les sciences, les mathématiques, la géométrie, la physique, la géographie, la météorologie, l'histoire, la musique, les données culturelles ou la philosophie, pour ne citer que ces domaines ?

Et la réciproque ! Les personnes bien renseignées savent par exemple qu’en dépit des préjugés ou des habitudes les plus tenaces, parmi les jeunes qui réussissent le mieux leurs apprentissages, font preuve d'autonomie, organisent le mieux leurs devoirs et leur quotidien à la maison et qui, après tous les travaux personnels et domestiques, trouvent encore du temps, très nombreux sont celles et ceux qui pratiquent une activité physique et sportive équilibrée et régulière. Laquelle leur a appris – mais quelle surprise ...! – à vivre plus structurés, plus organisés, plus autonomes, plus libres, plus détendus, plus posés, plus sereins, plus éveillés, plus déterminés, plus concentrés, plus expérimentés, plus performants, beaucoup plus rapides et tellement plus en forme et souriants !

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12. DYNAMIQUES

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Chez les mineurs exilés concernés, ces résultats, indispensables à leur survie, à leur inclusion et à leur épanouissement, sont particulièrement frappants. Ils nous encouragent vivement à poursuivre, nous poussant à informer et convaincre jeunes, bénévoles, hébergeurs et autres habitants de Quimper et au-delà, afin que le plus grand nombre de mineurs isolés puisse en bénéficier.

Multiples, surprenantes et salutaires vertus du sport, incroyables parfois, mais toujours vérifiables et mesurables pour qui s'y intéresse de plus près, se renseigne ou y contribue à sa place. Bien que les utilisant beaucoup, elles ne sont ni du rêve ni du vent.

La pratique adaptée et régulière des APS réanime, ouvre les yeux, reconstruit, édifie, équipe, renforce et ne cesse de stimuler. Elle suscite et développe les ouvertures et les intelligences. Sur les terrains elle apprend au jeune, initialement déboussolé, déprimé et démotivé, l'observation, l'analyse, la stratégie et la décision. Sans fard, sans artifice et sans tromperie, elle lui redonne le goût de vivre, et elle lui communique durablement et très solidement l'envie de réussir et le plaisir de l'effort. L'envie de se prendre en main, d'apprendre à savoir lui-même se défendre et se battre. Elle le responsabilise. Elle lui rend vivantes et attirantes les responsabilités. De façon très intensive, elle l'entraîne à affronter la réalité, et à l'affronter dans les meilleures conditions possibles. Crucial enjeu.

Elle met spontanément un terme aux habitudes adoptées par une minorité qui, jusque-là, était prise de panique à l'idée d'abandonner une seule des aides ou des facilités initialement offertes par les bénévoles. Habitudes préjudiciables consistant ou les conduisant à se contenter du tout-cuit et à y prendre goût, à repousser la responsabilisation, à occulter réalités et échéances, et assez souvent à exiger toujours davantage de la part des adultes les plus aisés, les plus manipulés ou les plus dépassés, voire à s'imaginer que de cette manière ils avaient peut-être trouvé la voie royale, ad vitam æternam.

Par définition, les APS offrent la confrontation sur les terrains, de même que l'imprévu et l'inconfort qui développent vigilance, réflexes, engagement et robustesse. Mais elles ne proposent ni n'acceptent la passivité, l'attentisme ou un favoritisme aveugle qui produisent dépendance et vulnérabilités, ou crises réciproques déconstructrices. Les APS s'emploient plutôt à favoriser l'éveil d'une personne considérée et respectée dans sa globalité et l'épanouissement de tout son potentiel personnel – mental, physique et intellectuel.

En complétant spécifiquement et en dépassant activement le stade ordinaire de l'assistance, elles réussissent, de façon organisée, adaptée, plurielle, progressive, intensive et cohérente, à rendre le jeune, à l'approche de la majorité, incontestablement et durablement plus autonome, plus fort, plus expérimenté, plus avisé, plus outillé, plus éveillé, plus concerné, plus entreprenant, plus dynamique, plus investi et plus responsable.

Les APS ne sont donc pas là pour assister le mineur isolé, mais pour LUI APPRENDRE À SE PASSER D'ASSISTANCE, progressivement et beaucoup plus rapidement. C'est la définition de l'autonomie la plus juste ici.

Le but recherché est en même temps le RESPECT le plus grand qu'on puisse manifester à la personne en devenir. La RECONNAISSANCE la plus concrète et la plus élevée de son droit, de son potentiel, de sa capacité et de sa vocation, imminente, à vivre effectivement reconnu, formé, équipé, autonome et libre.

Aujourd’hui, les bénéfices des APS aident le mineur exilé pris en charge à mieux s'en sortir en forgeant sa personnalité, sa liberté, sa réflexion et sa volonté.

Demain, ils lui éviteront de se faire exploiter ou broyer, grâce à tout ce qui reste gravé et pratiqué. Et comme le démontrent l'expérience, la littérature et tous les témoignages, ils continueront de l’aider à franchir plus lucidement, plus judicieusement et plus énergiquement les obstacles et les contre-temps, individuellement, ou collectivement, en s'entourant opportunément et librement des meilleurs soutiens.

Ils l'aideront à ne jamais perdre de vue le Droit. À faire plus efficacement valoir et respecter ses droits propres, et ceux de ses amis. À trouver sa voie, sa place et tout son rayonnement humain et citoyen. À révéler et apporter ses vraies et multiples richesses autour de lui.

Au total, l’un des meilleurs antidotes face à la peur, aux difficultés, à l’incompréhension, à la discrimination, au fatalisme, aux confinements volontaires, aux blocages, aux idées arrêtées, à l'anéantissement, à l'obscurantisme, aux surcharges de toute nature, aux manipulations de tout poil, aux arbitraires, aux amalgames, aux discours nauséabonds, aux funestes emprises, aux mauvaises compagnies, aux arnaques numériques, chimiques, marchandes ou sociétales, aux représentations irrationnelles, à tous les murs virtuels et aux murailles plus réelles !

Et peut-être, pour les bénéficiaires comme pour celles et ceux qui les accompagnent, en prenant un tout petit peu de hauteur, l'une des manières les plus vivantes, les plus conviviales, les plus inclusives, les plus fédératrices, les plus synergiques, les plus efficientes, les plus reconstructrices, les plus enrichissantes, les plus bienfaisantes, et assurément la plus légère, la plus tonique et la plus oxygénée, de préparer au jour à venir le mineur isolé.

Pour peu que chacun.e s’y mette, avec une motivation ressourcée. En y contribuant de façon à la fois solidaire et coordonnée, autant que possible ! Individuellement, à plusieurs ou même en famille. Même avec de jeunes enfants ou des personnes âgées par exemple, pour les marches les plus tranquilles (marches ponctuellement intégrées à l'organisation familiale et opportunément saisies pour permettre à ces personnes de rencontrer les mineurs isolés, tout en prenant l'air). Selon les possibilités, sportives ou pas, toujours bienvenues. Même estimées les plus petites. Même avec très peu d'énergie. Même une seule heure par an. Même un quart d'heure pour tel covoiturage d'appoint.

Même chez soi, en enregistrant, quand ils arrivent, les liens utiles pour consulter plus régulièrement infos et tableaux soit pour mettre au courant les protégés et les motiver pour s'inscrire, soit pour s’inscrire soi-même à tel accompagnement et/ou tel covoiturage, soit pour encourager ses amis ou voisins, peut-être disponibles, à le faire, soit pour ne pas programmer inopinément des activités simultanées quand cela est évitable, soit pour demander un avis ou même en donner. La communication du Temps Partagé, comme les inscriptions des hébergés et des accompagnateurs, ont encore quelques cols à gravir.

Au fait, la fameuse devise ? *

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